Lundi 15 juillet 2024, SMART JOB reçoit Romain Briffault (cofondateur, Café Guzo) , Antoine de Gabrielli (expert sur égalité au travail, auteur, S'émanciper à deux) et Victoire Duhamel (présidente fondatrice, Thank You Lab)
Entreprendre en couple, fausse ou bonne idée ?
Faut-il créer une entreprise avec l’amour de sa vie ou au contraire empêcher toute porosité entre les relations affectives et professionnelles ? C’est la question posée dans le CERCLE RH de SMART JOB.
Mathilde et Bertrand Thomas (Caudalie), Özlem Türeci et Uğur Şahin (BioNTech ), Martine et Claude Claret (Horus Pharma), Beyoncé et Jay-Z… Autant de couples qui se sont lancés avec succès dans l’entrepreneuriat. « C’est un choix relativement original aujourd’hui, il faut juste se rappeler que, dans le temps, il ne l’était pas », rappelle Antoine de Gabrielli, expert de l’égalité dans le monde du travail et auteur du livre « S’émanciper à deux. Le couple, le travail et l’égalité », publié aux éditions du Rocher en février 2024.
Des recherches sociologiques se sont penchées sur ces couples dits aussi « copreneurs ». Y a-t-il forcément un meneur et un suiveur ? Comment sont répartis les rôles au sein de l’entreprise ? Si le couple est hétérosexuel, les inégalités de genre se répercutent-elles dans l’entreprise ? Et en cas de séparation, se pose la question de la survie du projet…
Le travail peut-il fédérer le couple ?
Les copreneurs, « ce sont des gens qui, souvent, ont la même approche et se disent : quitte à bosser 12 heures par jour, autant bosser ensemble, au moins on se verra », poursuit Antoine de Gabrielli. De son côté, Romain Briffault, torréfacteur, barista et cofondateur de Café Guzo, témoigne des valeurs partagées avec son épouse : « on s’est rejoint sur notre ambition de faire quelque chose ensemble pour être utiles à la société. Et professionnellement, nous n’étions pas forcément heureux dans nos trajectoires salariales ».
Si Romain et sa femme sont toujours ensemble, ce n’est pas le cas de tous les entrepreneurs à deux. Victoire Duhamel a fondé Thank You Lab avec son compagnon pour partir à l’assaut des problèmes de peau. Ils sont aujourd’hui séparés, mais n’ont pas renoncé à leur projet. « Quand on se veut du bien, il n’y a pas de raison que cela se passe mal », confie celle qui a été à l’initiative de la rupture. Son ex lui en a voulu un temps, mais il a continué l’aventure. « On a réussi à segmenter les deux, constate-t-elle. Aujourd’hui, on est meilleurs amis, je le considère comme un membre de ma famille, on est hyper heureux de travailler ensemble. »
Romain, lui, prend « beaucoup de plaisir » à travailler avec son épouse. « Il y a mille cas de figure, rappelle Antoine de Gabrielli. On voit des couples qui, dans la vie privée, ont les problèmes que tous les couples rencontrent, mais qui travaillent très bien ensemble. Donc le travail les réunit, les fédère. »
« Il faut que quelqu’un puisse trancher »
Entreprendre en couple, est-ce risqué ? « À deux, on peut devenir une bulle, remarque Antoine de Gabrielli. S’il n’y a plus rien en dehors du couple, cela va appauvrir à la fois le couple et l’entreprise. » Son conseil : « se dire que toute ma liberté n’est pas dans mon couple, ni dans mon entreprise. Avoir un jardin, pas forcément secret, mais un jardin où j’ai la capacité de m’ouvrir, professionnellement comme dans la vie privée, sur des choses qui ne regardent pas le conjoint ».
Au plan juridique, la codirection aurait bien des vertus. « Le critère de réussite des boîtes familiales, c’est l’égalité », affirme Antoine de Gabrielli. Mais pour l’actionnariat, Victoire Duhamel a dès le départ vu un danger dans le strict 50-50, elle a donc opté pour un très léger avantage sur son compagnon de l’époque. « Si un jour il y a un désaccord, il faut que quelqu’un puisse trancher. » L’égalité dans le couple, pas forcément dans l’entreprise.