Le cercle RHSMART JOBlun. 17/06/24

Lundi 17 juin 2024, SMART JOB reçoit Béatrice Arras (DG France, Lincoln) , Mathieu Nebra (Cofondateur, OpenClassrooms) et Jilali Maazouz (avocat en droit social, McDermott Will & Emery)


L’IA et l’emploi : plus de destruction ou plus de création ?

L’émergence de l’IA générative dans les entreprises suscitent les inquiétudes quant à la pérennité de nombreux métiers et emplois. Au-delà des craintes légitimes face à une nouvelle technologie, faut-il s’inquiéter ou voir une opportunité dans ChatGPT et Mid Journey ? On en parle avec trois spécialistes.

« La rentabilité peut s’envisager par rapport au temps que l’on gagne sur certaines tâches », estime l’avocat Jilali Maazouz. Mais attention à la tentation de procéder « à des coupes dans les ressources humaines pour augmenter mécaniquement » l’idée de bénéfice financier. Rien de mieux pour accentuer les craintes autour d’une intelligence artificielle générative destructrice d’emplois. Pour Mathieu Nébra, cofondateur d’OpenClassrooms, il ne faut pas donner à l’IA plus d’importance qu’elle n’en a. Selon le patron de l’organisme de formation aux compétences du numérique, « l’IA n’est qu’une accélération parmi tant d’autres. Les métiers du numérique étaient déjà en train d’évoluer à toute vitesse. L’IA va impacter les métiers du numérique et d’autres métiers intellectuels très rapidement, mais pour nous, cela reste business as usual, c’est juste que cela va plus vite. » 

L’IA générative, 30 % de temps gagné ?

Un peu plus vite et un peu mieux ? Du côté du cabinet en conseil RH et management des talents Lincoln France, c’est également une vision positive de la technologie qui prévaut. « L’humain est au cœur de notre métier », assure la directrice générale Béatrice Arras. « On a intégré de l’IA dans nos process avec pour objectif de faire gagner du temps à nos consultants pour qu’ils passent plus de temps sur le qualitatif et la gestion des talents. » Utiliser un peu plus l’IA pour dégager un peu plus de temps d’échanges entre humains. « On évalue ce gain à 30 % du temps des consultants, mais on n’a pas d’évaluation d’une potentielle plus-value financière… » Et du côté des avocats ? « Je dirais qu’il y a moins d’inquiétudes que d’enthousiasme et un enthousiasme à modérer », souligne maître Maazouz. « La technologie fait rêver et on se dit que l’on pourra faire plus rapidement et mieux et donc faire beaucoup plus de choses », sous-entendu traiter plus de dossiers. 

« Chaque métier est impacté par l’IA » 

Chez les observateurs les plus avertis à propos de l’IA, un consensus se forme progressivement : ce ne sont pas des métiers qui vont disparaître, mais des tâches. « Chaque métier tel qu’on le connaît aujourd’hui est déjà impacté par l’IA », assure Mathieu Nébra, qui explique que chez OpenClassrooms, « on a déjà mis à jour nos formations pour utiliser l’IA sur 20 à 30 des compétences déjà affectées ». Le rythme des mises à jour ? « Tous les ans, voire tous les six mois… » Pour ce spécialiste du numérique, « le sujet est de former les collaborateurs à différents niveaux ». Du socle de base pour « ceux qui n’y connaissent rien et ont peur » à toutes les applications pratiques au travail « qui seront différentes selon les secteurs et les usages… ».

Y a-t-il un pilote derrière l’IA ?

Ce grand écart entre les profanes et les adeptes demeure le challenge principal, selon Jilali Maazouz. « Les deux principaux écueils, c’est soit le collaborateur qui n’y touche pas, et qui donc se met en retrait du courant, soit celui qui en use et en abuse. C’est ce qui s’est passé avec cet avocat américain qui a utilisé dans un dossier contre une compagnie aérienne des références à des jurisprudences fictives que lui avait sorti ChatGPT . » Pour Mathieu Nébra, c’est une certitude, avec IA ne doit pas dire sans humain. « Il est important de rappeler qu’on ne peut pas mettre une IA en auto-pilote. Il faut connaître les usages derrière, et si vous laissez l’algorithme tourner sans vérification humaine et un minimum de contrôle, vous allez au-devant de graves problèmes. »